Chaque jour, des millions de personnes utilisent leur carte bancaire : voyage, restaurant, courses ou shopping, c’est devenu un outil quotidien dont on imagine difficilement se passer une fois qu’on y est habitué. Derrière cet outil si utile aujourd’hui, il y a les banques, oui mais surtout Visa Inc, entreprise commune composée de quelques 21 000 sociétés financières (banques, sociétés de crédit).
C’est à ce moment précis, cher lecteur que tu penses : « Je croyais que ça parlait de RH ici, pas de finance. Et puis j’aime pas la finance, je m’en vais ». Rassure-toi, je te promets qu’il n’y aura ni chiffre ni formule mathématique, et qu’en plus on va (un peu) parler RH. Et people.
Oui, people, sur un blog du CELSA, tenu par des étudiant(e)s en RH.
Le héros du jour s’appelle Charlie Scharf et si tu as suivi le début de l’article tu peux aisément deviner dans quelle entreprise il travaille ou, devrais-je dire, travaillais. Charlie Scharf n’est, en effet, ni plus ni moins que l’ancien CEO (chief executive officer ou directeur général pour les amateurs de la langue de Molière) de l’entreprise Visa Inc.
C’est à ce moment précis, lecteur attentif que tu t’interroges : pourquoi n’est-il plus CEO ?
- A-t-il été remercié en raison de mauvais chiffres ? Non, les chiffres sont très bons et le titre du groupe a progressé de 137% (ce sera le seul chiffre de l’article, pardonne-moi lecteur je n’ai pas tenu ma promesse).
- A-t-il été poussé à la démission suite à un scandale financier ou un détournement de fonds? Non
- A-t-il trouvé mieux ailleurs ? Non, si ça avait été le cas je l’aurais nommé par son nouveau titre.
- La réponse est tellement plus simple et pourtant si difficile à deviner : il voulait passer plus de temps avec sa famille, qui vit sur la Côte Est, alors que Visa Inc se situe sur la Côte Ouest.
Une démission telle que celle-ci est l’occasion d’articles sur le bilan de l’ancien directeur, sur celui qui va lui succéder (Alfred F. Kelly), sur les conséquences dues au départ d’un CEO pour une entreprise et pour ses salariés, sur les façons de le gérer pour les RH, etc. Et moi, sans aucun intérêt pour tout cela je vous parle de sa famille, parce que je trouve cette démission est intéressante, d’un point de vue RH.
Les lecteurs les plus chagrins m’objecteront cyniquement que lorsque l’on est un homme du gabarit de celui de Charlie Scharf et que l’on a le même CV, retrouver un travail, même à 51 ans n’est pas compliqué et que quand bien même il ne le souhaiterait pas, il pourrait largement vivre sur ce qu’il a gagné. Il est vrai que tout le monde ne peut pas se le permettre, il est vrai que quitter un travail, quel qu’il soit, parce qu’on ne voit pas assez sa famille n’est pas quelque chose de facile ni de forcément très bien perçu.
La conciliation de la vie privée et de la vie professionnelle est un des enjeux du bien-être au travail et ne doit pas être considérée comme un bonus auquel on réfléchira quand on aura le temps. Une personne n’est pas capable de se dissocier, elle ne peut pas être une personne différente au travail et laisser tous ces problèmes au vestiaire.
- Dans l’idéal : les problèmes d’ordre privé restent à la maison et les problèmes d’ordre professionnel restent au travail.
- Dans les faits: ce n’est pas possible. Ce n’est pas une question de mauvaise foi mais de cerveau : il ne peut pas faire abstraction d’un problème. Cette théorie est celle développée, notamment, par Fritz Heider sous le terme de « attribution causale » et considère que lorsqu’il y a une incohérence ou une non-stabilité de l’environnement, ou lorsqu’une incertitude ou un conflit pèse sur ce même environnement, l’homme en recherche les causes : il existe chez l’Homme un besoin de comprendre, contrôler et maîtriser son environnement.
Si je résume : lorsqu’un(e) employé(e) a un conflit dans son environnement familial il ne pourra pas s’investir à 100% à dans travail, il sera préoccupé même s’il n’en a pas forcément conscience. Il est évident qu’il ne s’agit pas seulement de proximité et que le temps de travail ou l’éloignement dû au travail ne sont pas les seuls et uniques facteurs capables de ronger un environnement familial. Ce n’est pas pour autant qu’il ne faille pas en tenir compte, le fait de permettre cet équilibre vie privée / vie professionnelle ne permettra pas SEUL de garantir le bien-être au travail et donc une meilleure productivité. Par contre le fait de ne PAS le permettre, lui, peut garantir à défaut d’un mal-être l’impossibilité d’un bien-être.
Pour en revenir à notre ami Charlie, il est plus que vraisemblable qu’il soit parti avec un beau cadeau d’adieu, qu’il sera payé très cher pour faire des conférences dans monde de la finance ou dans des grandes universités ou même qu’il reprendra un autre travail à plein temps plus près de sa famille. Pourtant la raison avancée pour son départ ne me donne pas envie de faire du cynisme, ou d’ironie acerbe, j’ai envie de croire que c’est la raison principale qui a motivé son départ. Car cette raison, je la trouve terriblement humaine dans ce monde parfois si froid que peut être l’entreprise et plus encore le milieu des grands dirigeants.
Toi lecteur, tu connais peut-être une personne qui a travaillé durant 30 ou 40 ans, pendant 50 voire 60 heures par semaine, et qui a décidé de partir en « pré-retraite » en profitant, par exemple, des indemnités chômage durant les trois années réglementaires.
Ce que je me demande, en voyant ça, c’est s’il vaut mieux travailler d’arrache-pied durant des années, sans compter ses heures, pour réaliser à 50 ans ou même à 60 que l’on n’a été incapable de garder le contact avec sa famille ou ses amis, et donc, fort de ce constat décider de tout quitter, d’un coup, pour rattraper le temps perdu (qui ne se rattrape plus).
Ou alors, décider que travailler c’est bien, avoir un projet qui nous tient à cœur c’est important mais pas au prix de sa vie privée, que le travail même s’il est intéressant, même s’il enrichissant n’est qu’un moyen de gagner sa vie, et par vie j’entends ses loisirs, ses vacances, son repos, ses soirées et toutes ces choses si futiles qui composent le temps libre ?
Je caricature évidemment, ça ne signifie pas qu’il n’y a que les bourreaux de travail où ceux qui ne veulent pas travailler plus de 35h et ne jamais entendre parler d’heures supplémentaires. Il revient à chacun de placer la frontière là où elle lui conviendra le mieux et de choisir entre deux doctrines simples voire simplistes mais révélatrice du monde dans lequel on vit : vivre pour travailler ou travailler pour vivre.
Il n’y a pas de bon ou de mauvais choix, il n’y a pas de jugement à avoir sur ceux qui font ces choix, il faut juste s’assurer de faire celui qui nous correspond.
Pour finir cet article souhaitons tous ensemble un bon retour chez lui à Charlie Scharf et qui sait, peut-être que dans un futur incertain nous ne travaillerons que 4 heures par jour…
Gaëlle Martin
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